Je me demandais après un janvier trop calme qui de la neige ou du chaud reviendrait en premier, ce furent hélas des chaleurs exceptionnelles pour la saison qui s’installèrent du 10 au 25. D’un point de vue nivologique peu à dire, 13 cm de fraîche en février, des températures de +5° à 3000 m, c’est une catastrophe climatique. Le 5 au matin je notais les 2 premiers cm du mois, du grésil composé de grains de 2 à 3 cm rapidement remodelé par des vents modérés mais soutenus du SE, la pointe à 55 km/h 157° du 7 au matin sera la plus violente de février. Les pistes artificielles sont restées excellentes et les machinistes ont réalisé des exploits pour sauvegarder les tronçons naturels, nous avons profité de bonnes conditions de ski sous un soleil généreux, les vacanciers sont venus nombreux et nous battons une fois de plus les records de fréquentation. Je décrirai donc un peu moins la neige, un peu plus les événements qui ont marqué la période. Pour commencer une heureuse rencontre le 3 février, alors que je balisais la piste de l’Aigle qui ouvrait le lendemain, un gypaète se dirigea droit sur moi et me survola à quelques mètres. Une photo ajoutée à l’album public Hiver 2023 libre de droit comme les autres, je ne revendique pas la propriété des beautés que Mère Nature offre à notre contemplation.

L’unique canon à enneiger la piste de l’Aigle est alimenté par un torrent qui ne permet même pas son plein rendement, seul le mur noir bénéficie de neige de culture. Les températures ont dépassé les normes du 10 au 25, l’ensoleillement acheva les accès à la piste que nous avons pu maintenir ouverte du 4 au 19. Beaucoup d’efforts et d’énergie pour peu de temps, la piste du Chamois sur Grimentz, entièrement naturelle, n’a pas tenu dix jours. A l’élévation des températures, nous avons observé quelques avalanches de printemps sur les faces exposées, le 13 déjà la plupart des couloirs des Diablons s’étaient déclenchés, symboliquement, sans ampleur, même sur le très pentu couloir de Barneusa sur Mottec. Des mesures affolantes, +7.3° à la Corne de Sorebois 2900m le 14 à 13h, +6.6° le 20 à la même heure, avec un enneigement habituel, nous aurions connu de nombreux problèmes en période de haute fréquentation.

Le secteur dit de la “Coupe du Monde” à Combe Durand est très exposé, la terre s’est rapidement mélangée à la neige accélérant encore la fonte. Nous avons tenté de miner deux pentes qui se déclenchent souvent vu leur déclivité. Pas pour les sécuriser cette fois, mais pour tenter d’apporter un peu de neige sur la piste ce qui ne réussit que très partiellement. Une languette noirâtre ne déposa qu’une vingtaines de m3 sur la piste. C’est le seul et unique minage de ce mois de février, nous économisons au moins sur les explosifs et les heures d’hélicoptère.

Un regard sur la vallée nous transportait en avril, les villages entièrement dégagés de neige, quelques restes sur les alpages, et une impression de sécheresse. L’hiver 2022 déjà trop clément présentait le même paysage mi-mars, ce qui nous inquiétait déjà. Un front froid apporta 7 cm le 23, les températures retrouvèrent les normes de saison et le manteau neigeux se figea. Un autre crachin le 27 eut pour particularité d’indiquer une dizaine de cm aux stations automatiques de Tracuit et d’Orzival, alors qu’a Sorebois, la planchette comme les pistes étaient juste recouvertes de 4 cm. Peut-être quelques congères sous les capteurs ?

Des papillons traversent les cols en direction de l’ouest dès les hautes températures, habituellement en mars. Je note chaque année la première observation, le 11 février cette saison. Je connais mal les insectes, il me semble que ce sont des petites tortues, si quelqu’un peut m’expliquer la raison de leurs migrations hivernales… Fait remarquable, nous avons observé deux frontales qui traversaient les Gardes à Bordon le 11 vers 20h, sur le parcours du chemin d’été. C’est un exploit encore jamais réalisé qui se reproduisit deux jours plus tard. Ce secteur est un des plus avalancheux du pays, les couloirs n’offrent aucun échappatoire et les coulées sont fréquentes en toutes périodes. Une corniche a encore cédé le 28 entraînant la neige jusqu’en fond de vallée. La montagne est tracée de partout, les randonneurs jouent leurs vies sans aucun discernement, on s’habitue. Mais là c’est le pompon. Les 24 et 25, le paysage était laiteux d’un faible quantité de sables remontés du Sahara pour la première fois de l’hiver.




La couche de neige oscilla autour des 80 cm à 2500 m, elle passa de 24 à 14 cm en station. Une longue période de métamorphose constructive depuis le 20 janvier transforma tous en gros sel, puis les hautes températures et le rayonnement découvrirent les faces ensoleillées jusqu’à 2500m. La couche subit une métamorphose de fonte en profondeur avant la chute des températures en fin de période. Je ferai un profil de la zone de mesures rapidement, trouvez d’ici-là mes mesures sur la feuille de calcul février 2023 résumée dans le graphique ci-dessous. J’attends les bulletin climatologique de MétéoSuisse qui décrira certainement le février le plus chaud de l’histoire jusqu’à l’année prochaine. Une blague qui ne fait plus rire personne tant on peut souvent la placer.
