Il restait 75cm de neige à 2500m le 1er mai, la fonte battait son plein, les zones exposées étaient déjà dénudées jusqu’à 2900. Après un hiver trop chaud, un printemps trop beau s’installa; chaud, agréable et régulièrement arrosé ce qui permit une pousse exceptionnelle et précoce. La fenaison commença mi-juin, l’ardeur du soleil et les températures conjugués à la disparition précoce du manteau neigeux en haute montagne étonnait, mais nous entamions les vacances dans un climat propice. Début juillet tout était déjà trop sec, nous craignions une interdiction de faire du feu jusqu’à la belle rincée du 4, qui ne fit que retarder les restrictions. Des sources alimentées par la fonte des neiges étaient déjà taries.

L’interdiction générale de faire du feu dans tout le canton tomba le 18 juillet, cette décision incontestable resta en vigueur jusqu’à la mi-septembre. Interdire les barbecues et les feux de camp est une grosse restriction à la liberté de ceux qui aiment vivre en extérieur, mais en forêt comme sur les pâturages nous avions l’impression de marcher sur des corn flakes. Les prairies étaient déjà sèches de la Navizence à la Bella Tola en rive droite. Seuls les alentours des sources, des torrents et les prairies irriguées restaient vertes. Les forêts semblaient bien supporter la sécheresse dans les vallées, nous savons qu’elles étaient déjà en stress hydrique et qu’elles réagissent après un temps d’inertie, le problème reste à venir. Pour documenter la sécheresse, quelques photos dont une photosphère en amont de Cuimey le 16 août à découvrir au bout du lien, puis quelques chiffres :
On ne peut pas prendre uniquement la pluviométrie pour chiffrer la sécheresse, les neiges résiduelles en montagne, les températures et l’ensoleillement participent. La station MétéoSuisse de Mottec partage une pluviométrie depuis 1973, des statistiques certainement alimentées par les mesures de la centrale électrique avant la station automatique en 2015. Le graphique interactif ci-dessous résume les étés depuis 2013, ce millésime est le plus sec avec moins de 350mm. La moyenne pour les six mois d’été est de 434mm et la norme 1991-2020 de 476mm. En 2003, sécheresse historique, il a été mesuré 366mm à Mottec. Feuille de calcul en ligne .
Après une excellente fenaison la nature s’est déréglée, les pousses annuelles de certains feuillus ont séché (boulot, tremble), des fruits ont mûri trop vite avant de grandir, le tarissement des sources et des torrents laissait de grandes zones sans eau pour les animaux. Les cultures irriguées ont évidemment bien rendu, la vendange fut belle en quantité comme en qualité. Les sorbiers ont profité du printemps, ils sont gavés de fruits, le oiseaux dont les grands corbeaux nombreux cet été ne cachent pas leur plaisir. Le rut du est décrit dans un article précédent, les chasseurs ont atteint leurs quottas, les rapaces ont passé l’été au-dessus des forêts, ils étaient discrets en vallée. La sécheresse a eu plein de petites conséquences, mais rien de dramatique, nous avons échappé aux incendies qui ravagent durablement des régions. Des chiffres français parlent de 90% des incendies provoqués par l’homme, dont 70% par des actes de négligence ou de malveillance. On comprend la tutelle étatique sur les fumées.

Où allons-nous ? Deuxième été le plus chaud selon MétéoSuisse, pas des complotistes, après un hiver hors-normes, le système s’emballe. Une théorie récente accuse l’explosion volcanique aux îles Tonga en janvier d’avoir provoqué un effet de serre à l’échelle mondiale. J’ai compris que John Tyndall, le vainqueur de notre Weisshorn en 1861, était un des premiers à théoriser l’effet de serre et les conséquences des émissions de carbone. Nous savons, depuis longtemps. L’album publique Eté 2022 montre un début de saison au vert éclatant, les images sont brunes quasi automnales dès la fin juillet. Pour illustrer le paradoxe de notre société vis-à-vis de la nature, la remarquable floraison des linaigrettes dans le marais des plats de la Lée le 12 juin. Puis le marais s’est asséché mi-juillet, ce que je n’avais jamais observé. J’ai photographié un hélico posé sur cet espace protégé le 18, je n’ai pas vu où partaient les occupants; boire un café à la Tzouc? C’est pas gagné l’écologie, trop de connards avec de gros moyens.


Beau temps, températures confortables en montagne, c’était un magnifique été en Anniviers les touristes ne s’y sont pas trompés. La pression humaine sur la nature est plus forte quand il fait beau. L’économie cartonne, le tourisme alimente l’artisanat qui prospère. Pas de fausse note dans mes activités, nature et hommes furent généreux, des bons moments et du beau temps, du trop beau temps, du beaucoup trop beau temps.