Un hiver moyen, mais du bon côté de la moyenne, pour imager l’impression générale. Avec 463 cm de cumul, il manque 76 cm pour atteindre la moyenne des 20 derniers hivers, le mercure n’est pas descendu sous -20° et les vents n’ont jamais atteint les 120 km/h à la Corne 2900m, nous avons un record de jours de beau temps. Donc côté météo une saison facile. Les remontées mécaniques m’engagent dès que l’enneigement permet de recevoir les premières équipe à l’entraînement, lundi 8 novembre pour ce millésime. Les compétiteurs apprécient la neige artificielle, les pistes maîtrisées, extrêmement dures sans pour autant tourner en glace. Ils ont trouvé leur compte dès novembre puis tout l’hiver sur les stades de la Corne de Sorebois.
La “vraie” neige s’est installée début décembre, discrètement mais résolument. Nous sommes souvent restés dubitatifs en regardant alternativement le terrain, la météo et le calendrier, mais le “produit pistes de ski” mérita son tarif tout l’hiver.

La nature a fait le spectacle, je retiens particulièrement le coucher du soleil exceptionnel du 23 décembre et la pleine lune du 18 mars. Cette journée fut remarquable en beaucoup de points, record de température l’après-midi, pourrissement du manteau jusqu’à 3000m, pleine lune exceptionnellement claire en soirée. Notons aussi les magnifiques périodes de beau temps la deuxième quinzaine de janvier et tout mars; vivre et travailler en montagne était euphorisant. Le “système” reprenait également vie après deux saisons marqués par la pandémie de coronavirus, nous avons retrouvé un mode de fonctionnement presque normal, les restaurants ouverts permettaient de s’abriter et de consommer, du moins pour ceux qui s’étaient pliés à la dictature du du pass sanitaire. L’épisode nous aura au moins rappelé que l’état est la principale limite à nos libertés individuelles, que son pouvoir est immense, que mépriser la politique est dangereux. Voter, faire en sorte que l’addition des intelligences domine l’opinion, est notre seul rempart contre les idées corrompues.
Nous avons expérimenté à Sorebois la télécabine inaugurée en décembre 2020 enfin à plein rendement. Contrairement à certaines craintes, la circulation est restée fluide même s’il fallait parfois un peu attendre à l’intermédiaire, et accepter de voyager avec des inconnus. Le masque est resté obligatoire dans les transports publics fermés, donc les cabines, une bonne partie de l’hiver.

Ce fut mon plus long hiver au service des remontées mécaniques, du 8 novembre au 24 avril. Nous avons skié sur de l’artificiel, un peu de neige est arrivé début décembre, puis de quoi passer de bonnes fêtes en fin de mois. Le faible enneigement et les températures de décembre ont gelé le terrain ce qui se fait rare, nous n’avons pas connu de problèmes de reptations dans le vallon. Toujours du bon côté de la limite les pistes ont tenu jusqu’en février où nous avons enfin dépassé le mètre de couche à 2500m, mars est resté beau et sec à l’extrême, et quelques giboulées en avril ont entretenu l’essentiel du domaine jusqu’à la fermeture. Il a fait trop beau, trop sec, trop chaud. Pour parfaire l’impression de dérèglement climatique, les incursions de sables du Sahara longtemps en suspension dans un air trop chaud laissaient perplexes pour ne pas dire plus.

La météo n’est qu’un des facteurs surprenant dans l’équation actuelle des stations de ski; le comportement des touristes, des dirigeants, l’évolution du contexte social et économique posent bien des questions pour notre avenir dans cette industrie. Les clients connaissent évidemment la montagne, ils méprisent panneaux, filets et consignes du personnel car en plus de sachoir ils assument. Jusqu’aux problèmes quand eux-mêmes, leurs assurances et leurs familles cherchent un responsable. Les dirigeants veulent le beurre, l’argent du beurre, ne pas payer la crémière et endetter au maximum les sociétés pour se partager les investissements. Dans le contexte dépenser autant d’énergie électrique et de pétrole pour faire des glissades sur des pistes bien lisses sécurisées à coups de tonnes d’explosifs semble absurde. Mais reste-t-il un choix pour les régions de montagne, pouvons-nous faire autre choses que vendre des loisirs à ceux qui peuvent se payer le droit de polluer pour le fun.

Trouvez au bout de ces liens mon album public hiver 2022, la photo panoramique prise à 3200 mètres le 3 février à midi au dessus de Sorebois, et le bulletin climatologique hiver 2022 de MétéoSuisse. Je mets la dernière photo de l’hiver prise depuis les mayens d’Ayer en exergue, les pentes nord de Tzirouc paraissaient encore bien hivernales fin avril, alors que nous vivions un printemps exceptionnellement précoce. Peu de neige en hiver, c’est une épée de Damoclès sur l’été…

Le secteur Tzirouc vu des mayens d’Ayer le 28 avril 2022