31 mai 2019 – J’abordais ce nouvel hiver tout ébranlé du précédent, la puissance des éléments avait atteint des extrêmes certes archivés, mais que je n’avais jamais vécu. Bloqué à Ayer la fameuse semaine catastrophique de février 1999, employé sur une installation, je n’avais pas saisi alors la rareté ni les implications de l’épisode. La Suisse a inscrit sa gestion des dangers d’avalanches au patrimoine culturel de l’UNESCO. Un article du Nouvelliste le 24 novembre titrait sur “la suprématie du savoir-faire Suisse“. Quand on sait la part du Bon Dieu en la matière, on reste humble. Une fois le travail effectué dans les règles on prie, ou on espère c’est selon, pour que tout se passe bien. Nos spécialistes rejoignent sur ce coup le panier des crabes qui me sortent chaque année l’absurde “je connais la montagne”.
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Le 1er décembre à la Corne, les anges volent très près des cailloux |
L’hiver tarda, les températures anormales de la première quinzaine de novembre empêchèrent l’utilisation des canons à neige. Si bien qu’au retour du froid et des perturbations, l’attente avait remplacé l’appréhension initiale par une folle envie de neige et de glisse. Au passage de Marilou, j’abordais les folies du ciel avec le sourire, comme on retrouve un vieux copain bien allumé. Les premiers entraînements sur neige artificielle animèrent la Corne le 22 novembre, nous ouvrîmes les pistes à la clientèle le 1er décembre pour les week-ends, tous les jours dès le 13. Les 15cm de fraîche au matin du 25 portèrent à 202cm le cumul de décembre. Le temps tourna au beau pour les fêtes de fin d’année, nous étions fiers de nos pistes, de notre pays, et heureux d’offrir des vacances d’hiver exemplaires à la nombreuse clientèle des stations. Début janvier, de jeunes skieuses inauguraient le stade de vitesse de Sorebois. Même à l’entraînement, un choc à ces vitesses nécessite une intervention rapide des secouristes. C’est dans le rôle du vautour que je pris la photo en exergue cet hiver; ces demoiselles attendent leur shoot d’adrénaline, les Aiguilles Rouges d’Arolla et le Grand Combin en arrière-plan. Un peu macho, mais tellement beau!
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Le 7 janvier à la Corne de Sorebois |
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Barthélémy le 16 mars. A refaire! |
Belle et assez fraîche pour garder la neige en état, la deuxième quinzaine de mars se terminait par le traditionnel lever du soleil sur la Corne de Sorebois. Organisée par les remontées mécaniques le matin du passage à l’heure d’été, la manifestation écourte une nuit déjà amputée d’une heure. Si d’autres patrouilleurs se dévouent, j’évite l’événement qui trouble mes biorythmes. Quand je pense aux nombreuses nuits blanches d’autrefois…
Cette année j’y étais, avec mon trépied et mon appareil photo. La matinée fut au diapason de la saison: paysage grandiose, température et neige agréables, clients aussi nombreux qu’heureux. Pour occuper mes heures de garde et entraîner ma capacité de pellage, j’avais taillé une tranchée à travers la gonfle sur le flanc Est de la Corne. Elle atteignait 240cm de profondeur, preuve d’un hiver bien enneigé et d’un régime d’Ouest prononcé.
Cet hiver, trois accidents mortels dans la profession rappelèrent à nos familles que nous ne partons pas au bureau le matin. Malgré toute la science et l’expérience qu’un homme accumule, il ne connait pas la montagne. On peut, au mieux, appliquer les mesures de sécurité apprises, assaisonner cette science d’un peu d’instinct acquis par la fréquentation assidue du milieu, et espérer que la prochaine leçon ne soit pas trop sévère.
Merci pour cette magnifique analyse des conditions hivernales 2019 et merci infiniment pour ton travail Manu 😘