18 mai 2018 J’aimerais partager mes informations sur la neige en direct, la dimension du blog était choisie pour permettre la lecture sur smartphones. Ce n’est pas mon rôle, je ne regrette pas, j’ai mieux à faire que pianoter sur un clavier avec deux mètres de neige sous les spatules. L’exercice est périlleux, les sites officiels doivent tenir l’information à jour, un manquement leur serait reproché en cas d’accident. C’est déjà beau d’avoir du temps sur mon travail pour publier les mesures du matin, et de contribuer au partage des messages d’alertes et de prévention. Pour le reste, c’est avec du recul, la tête reposée, loin du délicat porte-à faux avec mon employeur, que je résume ici mes hivers pour la dixième année. Techniquement tout est dit; 842cm de cumul, 5 tempêtes, des mercures à -25°… Les articles précédents, les feuilles de calcul, l’album photo, les tweets, la page Google+ permettent de revivre l’exceptionnel hiver 2018. Je serai un peu plus philosophe dans ces conclusions.
Je choisis chaque saison une photo représentative; le ciel rougeoyant du 5 janvier au matin me trouble encore. Au sortir d’une grosse tempête nous arrivions au Col, les machines avaient déclenché des avalanches monstrueuses, nous partions le sac plein de bombes sur l’arête de Barthélémy sous un ciel magique. Je n’ai jamais déplacé autant de neige en quelques heures que ce matin-là. C’est un métier spécial, plein d’instants forts.
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Le 5 janvier à 8h, juste après Eléanor |
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Le scénario de la saison est parfait, une couche de fond précoce, du froid pour l’enneigement artificiel en début de saison, un gros paquet de neige pendant le creux de janvier, et une fin d’hiver assez fraîche pour garder les pistes parfaites jusqu’en avril. Comme en 2013, le poids de la neige écrasa les faiblesses du manteau qui forma un ensemble majoritairement stable jusqu’à la fin. Un terrain gelé aurait évité les avalanches de glissements. Le tunnel creusé début février évolua, mais on le traversait encore mi-avril sans l’avoir entretenu. L’estivale dernière quinzaine amorça une fonte rapide mais mesurée, l’eau pénétra le terrain et alimentera les sources taries l’été passé. A coup sûr, des pluies intenses sur cette neige fondante auraient entraîné inondations et glissements de terrain catastrophiques. C’est arrivé, mais modérément…
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Le tunnel de la Corne le 15 avril |
La montagne est généreuse, si un millième des affronts aux règles de sécurité élémentaires portaient à conséquences, nous compterions les victimes par centaines chaque hiver. Le millésime 2018 fut meurtrier en Valais, le sort épargna le vallon de Zinal. On ne compte qu’une victime en Anniviers, elle randonnait dans un couloir improbable sur les hauts de St-Luc en début de saison. C’est beau le freeride, il reste un doute même quand on s’élance sur une pente minée, la montée d’adrénaline fait partie du sport, de la vie. J’ai par contre un parfait mépris pour ceux qui mettent les autres en danger, en skiant des pentes en amont de pistes ouvertes au public en particulier. Les parents et moniteurs qui font prendre des risques inutiles aux enfants méritent aussi des coups de bâtons.
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Vents du Sud le 12 avril à 9h30 |
Nous vivons quasi chaque hiver un jour de grand beau temps, gâché de vents qui empêchent les transports à câbles; ce fut le 12 avril cette année. La situation s’est rétablie vers 11h, mais les clients qui ne voient pas les montagnes depuis la station ne comprennent pas. Ci-dessous les liens vers les feuilles de calcul de la saison; de ces mesures journalières je tire les statistiques et le résumé de la saison, pour les remontées mécaniques et pour ce blog. Novembre 2017, Décembre 2017, Janvier 2018, Février 2018, Mars 2018, Avril 2018
J’ai commencé les mesures et leur partage il y a dix ans, je me bonifie (n’est ce pas?) et la technique s’améliore, les photos sont meilleures, les outils numériques plus rapides et efficaces. Les chiffres sont précis, les expériences vécues. Nous avons des mesures de neige à Grimentz depuis 1957, à Bendolla depuis 1988. Les stations IFKIS enregistrent les données depuis la fin des années 1990, mais disséquer ces masses de chiffres me rebute. Les patrouilleurs d’autrefois remplissaient des rapports journaliers qui garnissent des cartons, je suis déjà trop vieux pour espérer mettre de l’ordre dans ces archives de mon vivant. Les forces motrices possèdent certainement des données depuis les années 1950 sur les précipitations du vallon de Zinal. On me conseille les archives de la commune d’Ayer et certains montrent des almanach annotés par leurs ancêtres. Les tempêtes de janvier étaient les plus puissantes depuis décembre 1999, les températures les plus basses de ces dix dernières années. Le chef de sécurité des débuts de Zinal m’a affirmé que seul l’hiver 1969/1970 avait dépassé les 8 mètres de neige cumulée.