04.02.2018 Nous étions groggy, une quantité de neige déjà étonnante, des records de froid et de vent, et MétéoSuisse nous annonçait une nouvelle série de tempêtes dans un courant d’ouest très actif. Les festivités devaient commencer lundi 15 janvier en fin de journée, elles allaient durer une semaine. Avec de grosses quantités, nous sommes plus prudents et gardons une marge d’erreur autant lors de la progression dans le terrain, qu’en évaluant la taille et les conséquences des avalanches provoquées. Dans l’absolu, le travail est le même; nous montons tôt le matin, suivons les parcours de minage, une fois les pentes sécurisées les machines peuvent commencer le déblaiement et le damage, si le vent n’est pas trop violent les installations montent les skieurs. Si nous ne pouvons ni accéder ni constater de visu que les zones de minage sont purgées, nous fermons pistes ou routes et évacuons les endroits menacés. Simple sur le papier, tout devient plus étrange quand Dame Nature met tant de zèle à nous surprendre. Nous étions déjà gavés de neige avant la huitaine du 15 au 23, la sonde de la Corne immortalisa les exploits d’Éole. Un tableau à compléter de 147cm de neige cumulée sur la période. Ouf!
Le vent à la Corne du lundi 15 au mardi 23 |
Dès 60 km/h, le vent déplace la neige fraîche et les remontées mécaniques risquent de dérailler. Valeur atteinte le 16 pendant la nuit, la tempête nommée Evi souffla ensuite rapidement à 120 km/h pour atteindre un paroxysme avec deux pointes à 141,8 km/h NW mercredi dans la matinée. C’est énorme, des valeurs rares également sur la durée. MétéoSuisse s’est fendu d’un article sur le nom des tempêtes, juste de quoi comprendre que c’est un international bordel peut-être en voie de régularisation. Après Evi devait se pointer David, consultez la page wikipédia des tempêtes de l’hiver pour comprendre qu’il n’y a rien à comprendre sur ces noms. J’ai vu une tempête énorme de mardi matin à mercredi soir, des vents soutenus avec des pics à près de 100km/h la nuit de jeudi à vendredi, un remontée spectaculaire à près de 120 km/h de samedi à dimanche matin, et un final décoiffant quoique sous les 100 les 12 dernières heures du lundi 22. J’ai trouvé de la neige sur la planchette tous les matins du 17 au 23, la plus grosse chute étant de 81cm mesurés lundi 22 à 8h. MétéoSuisse décrit trois pics de précipitations du 20 au 23 sur son blog.
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Le restaurant de Sorebois le 22 janvier à 10h15 |
Dimanche 21 à midi les autorités fermaient la route de la vallée. Elles avaient émis un communiqué le 19 pour prévenir les clients des stations du risque. Le site www.annibook.ch informe rapidement de la situation et de l’état d’ouverture des différentes infrastructures. Un net progrès! Lundi 22 la situation était désespérée, 240cm du jalon se cachaient sous la couche. Nous croulions sous la neige à Sorebois, le village en vallée coupé du monde selon l’expression consacrée. Il pleuvait abondamment sous 2300m, la station ruisselait, on pataugeait en degré de danger 5, les Gardes à Bordon dégoulinaient sans discontinuer. Nous étions évacués selon les torchons rigolos; 29 chalets en fait, la station doit en compter plus de 300. Grosse couverture médiatique pour la région, alors que la Suisse entière souffrait des nombreuses inondations et glissements de terrains. Nouveauté à laquelle je n’avais songé, le trajet par Grimentz-téléphérique de liaison-téléphérique de Sorebois pourrait maintenant permettre, si besoin, un accès d’urgence en cas d’isolation totale de Zinal.
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Anniviers le mardi 23 avant la première bombe |
Mardi 23 le ciel dégagé avait croûté la neige en station, nous accédions assez facilement en machine sur l’arête de Sorebois. Le paysage grandiose; ce fameux calme qui précède les tempêtes les suit aussi, l’atmosphère prenait aux tripes. La montagne était potelée, toute arrondie, immaculée. La météo annonçait plusieurs jours de trêve, nous minions pour ouvrir les routes, les pistes, les installations. La plupart des grosses avalanches s’étaient déclenchées spontanément, une cinquantaine de cm restaient en place partout. Le minage fut frustrant, la couche écrasée sous son poids était et reste remarquablement stable. Le minage par hélicoptère donna d’impressionnants résultats sur les pentes Est de Bendolla, peux dans le vallon de Zinal.
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Les machines ont creusé un passage pour les cabines du téléphérique |
Les huits jours d’Evi et cetera m’ont finalement moins impressionné
qu’Eleanor en début de mois. Beaucoup de neige purge les grandes pentes, puis tasse les couches faibles. Nous trouvons une situation durablement stable quand nous nous réapproprions le terrain, comme en mars 2013. Après le minage le travail continue, nous savions une belle fenêtre météo et avons péniblement remis le domaine en fonction. Nous avons depuis deux mètres de neige et un danger limité, le rêve! Le prochain article cataloguera des liens vers des journaux, reportages et images publiés pendant cet épisode.