L’amour de la nature extirpe ses aficionados du contexte socioculturel, le plaisir des choses dites simples offre un échappatoire facile aux vicissitudes de la vie de troupeau. En considérant “bien” ce qui nous stimule favorablement les neurones, et “mal” ce qui déplaît, sans filtre imposé ni effort, on s’invente un système de valeurs. Encore faut-il pouvoir suivre sa propre sagesse, la société tire sa force de la dictature du nombre et tend à éviter les électrons libres. A vouloir vivre sa définition du bien sans compromis on se retrouve seul; à observer le monde de son bastion intérieur en cherchant le mal et ses causes, on annihile doucement sa capacité d’aimer. Malgré ça, le loup solitaire n’est qu’un composant satellite de la meute, si elle s’éloigne, il la suivra.
L’état de solitude terrifie la majorité qui la considère anormale et pesante, elle est la béatitude du solitaire. Je suis ainsi fait, mes interactions sociales ne sont validées qu’après une période de calme et d’introspection. L’immersion dans la nature, la contemplation d’un paysage de montagne, d’un torrent, des vagues ou d’un feu, rend l’idée au chaos qui la lave puis la retourne à la raison, qui peut à son tour la trouver digne d’intégrer l’âme. Le solitaire vit par et pour les autres, ses pensées par et pour son âme. Je soupçonne de couardise ceux qui, à l’autre extrême, puisent, confortent et intègrent les idées au sein du groupe uniquement. Ils imaginent un univers artificiel logique et contrôlable, se cachant par mille subterfuges ce chaos d’où nous sommes issus, où nous retournons inexorablement.
Ravis que vous me lisiez toujours à ce stade du discours. Internet permet au solitaire-près-du-feu-dans-sa-cabane d’interagir à l’envie, puis de soumettre immédiatement la pensée au chaos. J’utilise beaucoup l’outil, c’est souvent fort d’une idée validée que je retourne dans la meute. Puis rentre penaud, incapable de restructurer un schéma mental inadapté. Rattrapé par la réalité, j’ai cessé d’émettre en janvier, histoire d’éviter de compliquer une situation qui me dépassait aux niveaux professionnels et affectifs. Un jour de perplexité, je regardais la posture des âne qui paissent l’été durant à la Tzoucdana, ils semblaient tirer à hue et à dia selon l’expression consacrée. Comme le monde, comme ma décision de continuer ou pas de rendre publics mots et images de ma vie.
“Je t’aime! Moi non plus!” ou “Je vais par là, mais pas sans toi!” |
J’ai tranché début septembre en publiant mes articles de blog de l’hiver passé. J’ai du plaisir à observer l’évolution de la neige comme à transcrire les mesures et mes modestes analyses. C’est partie de mon travail hivernal d’observer, mesurer et constater; le partage est pur altruisme et n’engage à rien. Il crée une relation particulière avec les habitués du vallon qui lisent le blog, et évitent les questions répétitives comme l’éternel: “Combien de neige tombée cette saison?”