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Eté 2023 – L’été des épicéas

Après le très sec été 2022 et le triste état des forêts avant le repos hivernal, je m’inquiétais pour l’arrosage. Les arbres secs allaient-ils reprendre vie, les pâturages reverdir, les nappes se reconstituer ? Le printemps tardif a certainement sauvé nos campagnes d’une nouvelle sécheresse catastrophique; la première moitié de mai est restée maussade, neigeuse en haute montagne, il restait 80cm à Sorebois où nous avons skié jusqu’au 14. Le soleil s’est ensuite imposé doucement, nous avions encore à l’inalpe une sensation printanière avec de nombreux névés et une floraison tardive. Juillet gratifia de beaux orages, mais nous restions sous les moyennes. L’interdiction de faire du feu, désormais une tradition, est tombée le 19 juillet jusqu’au 8 août, pour être reconduite du 22 au 29 août. En comparaison avec les dix dernières années :

Avec 415mm nous sommes sous la norme 91-20 établie à 476mm pour la station de Mottec, et sous la moyenne des dix derniers étés à 433mm. Mais l’impression générale fut agréable, les arbres du vallon de Zinal n’ont pas semblé souffrir, le fond de vallée est resté verdoyant. Plus bas dans la région des Pontis et de Niouc jusqu’à Sierre, de nombreux pins meurent et sèchent, cette année encore les feuillus avaient triste aspect dès août, les chênes en particulier dont le bord des feuilles séchait, donnant un aspect automnal précoce. Dans les fonds de vallée et au-dessus de 1500m des précipitations bien réparties ont sauvé la végétation, les sources ont faibli mi-août mais sans tarir comme en 2022.

Outre quelques orages remarquables en juillet, dont le plus puissant illumina la nuit du 11 au 12, c’est un épisode remarquable fin août qui évita une sécheresse estivale tardive. Il est tombé 90mm en quatre jours, dont 36mm le 27 et 34mm le 28. Il neigea jusqu’à Zinal en fin de front, on annonçait 50cm au-dessus de 3000m. Ce front remarquable laissa un air frais qui conserva la neige en montagne, les coureurs des trails du Besso ne purent atteindre Tracuit. Corollaire, l’eau s’infiltra doucement et les sources retrouvèrent leur vigueur jusqu’en fin d’automne.

Pour résumer, sec mais pas trop. Par contre de nombreux records de température sont tombés partout en Suisse et dans le monde. Je retiens un isotherme 0° à 5289m le 21 août, le mois de septembre de plus chaud et le deuxième mois d’octobre le plus chaud. Le pape annonce que le monde s’écroule, le secrétaire général de l’ONU parle d’un effondrement climatique, Zermatt étale ses glaciers à la pelleteuse pour faire de jolies glissades. Un ami a arrêté de fumer après qu’on lui aie enlevé un poumon et la mâchoire, nous avons des réactions fortes devant l’inéluctable, souvent trop tard.

J’ai fêté mes 50 ans début septembre, je me souviens bien du glacier de Moiry dans mon enfance, un lieu privilégié pour les piques-niques familiaux. Puis j’emmenais des clients marcher sur la langue dans les années 1990, découvrir les crevasses profondes, il n’en reste aujourd’hui qu’un lac. Difficile de regarder les montagnes sans nostaltristesse. A ceux qui croient toujours qu’on peut brûler en deux siècles les forêts du carbonifère sans conséquences je dis merde, vos enfants jugeront.

La fenaison fut excellente et les vendanges d’excellente qualité, nous avons récolté le chasselas le 30 octobre sans atteindre notre quota. J’ai encore remarqué de nombreux fruits sur les pins d’arolles, écureuils et casse-noix sont à la fête. Mélèzes et épicéas étaient rouges de fleurs ce printemps, ces derniers sont impressionnants cet automne. Les branches ploient sous le poids des pives fraîches, on les croirait chargés de décorations de Noël. De nombreux arbres sèchent dans les forêts, également dans les jardins et autour des habitations. La fertilité des épicéas rassure, à moins qu’il ne s’agisse d’un chant du cygne. Les sorbiers sont vides, les oiseaux se sont acharnés sur les sureaux qui avaient pourtant bien donné.

Epicéas à Zinal fin octobre

Quelques liens utiles pour conclure un été agréable à vivre mais terrifiant. Le bulletin climatologique été 2023 de MétéoSuisse, et plus généralement la page des publications de MétéoSuisse. Notre institut météorologique national est une référence incontournable. Et mon album public été 2023 qui s’ajoute à la page dédiée du site. Pour conclure et justifier ma terreur je transmets une réflexion trouvée sur la toile, une théorie conspirationniste comme on dit de nos jours :

Nous sommes trop nombreux, épuisons l’écosystème et polluons l’atmosphère en consommant à outrance les énergies fossiles. Pour maintenir notre train de vie nous pouvons améliorer l’efficience des machines, restreindre notre consommation, ou laisser les lois du marché enlever progressivement aux indigents la possibilité de polluer. Ce qui permettra aux vrais parasites de notre planète et de nos sociétés de continuer la fête. Heureusement grâce aux réseaux, on a le droit de mâter.

Hiver 2023 – Conclusions

Un hiver sans élan qui n’est jamais vraiment monté dans les tours, très contrasté selon l’altitude. La production de neige commença efficacement mi-novembre, la même perturbation qui amenait le froid blanchit la montagne jusqu’à 1000 m, les premiers sportifs testaient les pistes artificielles de Zinal le 21, bien tard au regard d’autres années. Début décembre des températures hivernales et beaucoup de travail permirent d’ouvrir les pistes artificielles au public, mais rien à faire avec le peu de neige naturelle en place, nous voyions arriver Noël en nous demandant où nous allions mettre les skieurs. Quand, miracle, une grosse perturbation avec d’abondantes précipitations s’annonça, mais accompagnées du fameux « redoux de Noël » que les chiffres de cette saison viennent encore confirmer. 70 cm en trois jours à 2500 m, une pluie qui emporta toute blancheur sous 2000 m, et la gamme des neiges lourdes à détrempée entre-deux.

L’épisode des 23 et 24 décembre fut le plus remarquable de la saison, la nouvelle neige lourde posée sur une vieille neige fortement cristallisée déclencha des avalanches sur toutes les pentes connues. Une fois le minage terminé il n’y avait plus rien à miner autour des stations, il ne restait que quelques pentes moyennes dangereuses en haute montagne, mais comme on ne pouvait pas skier sous 2000m et que le manteau restait mince, l’arrière pays comme ils disent resta peu fréquenté. Nous avons accueilli les clients des stations de moyenne altitude ravagées par les pluies, tous les records de fréquentation pour des vacances de fin d’année sont tombés, le nombre d’accidents suivit la courbe, occupant les patrouilleurs à d’autres tâches que la gestion de la neige. Il a fait beau et chaud, une petite couche est venue gommer les traces les 9 et 10 janvier à la fin des vacances. D’autres petits apports du 15 au 19 maintinrent le manteau, comme nous étions sur une bonne base depuis la grande purge de Noël, ces apports restèrent faciles à gérer. Le 27, le drone prenait une photosphère du vallon en amont du Chiesso.

Puis plus rien, ce fut le février le plus sec de l’histoire, heureusement les températures ne sont pas exagérément montées. Nos efforts pour ouvrir les retours en stations furent disproportionnés, la piste noire de l’Aigle resta ouverte au public du 4 au 19 février, celle du Chamois vers Grimentz… huit jours. Certaines pistes naturelles passèrent juste le mois, la Coupe du Monde et les Gouilles frôlèrent le hors-jeu et on prenait Barthélémy au péril de ses skis. Quand on annonça enfin un changement de temps la deuxième semaine de mars, je dédiais deux articles et un profil à l’épisode. Encore une fois les nouvelles neiges posées sur un vieux substrat se déclenchèrent facilement et partout, les minages complétèrent le travail autour des stations, la nature resta piégeuse assez longtemps. Une météo agréable permit de profiter de la montagne une bonne semaine avant un belle série de perturbations, il est tombé 179 cm à 2500m en mars, mais jamais assez pour envisager la réouverture des retours en stations, les pistes à Sorebois restèrent ensuite parfaites jusqu’à fin avril et au-delà. La plus haute couche fut mesurée le 16 avril au matin, dernier jours d’ouverture de la saison, avec 164 cm. Nous ne nous sommes pas découverts d’un fil en avril, le bilan final de 578 cm de cumul au 30 place l’hiver 2023 au-dessus de la moyenne, principalement grâce aux apports des deux derniers mois. Je note deux incursions de poussières du Sahara, la première au 24 février n’a fait que troubler l’atmosphère, celle du 30 mars a laissé une belle strate brune dans le manteau. En station à 1700 m la couche n’a dépassé les 30 cm que le 15 mars avec un éphémère 36 cm, pistes de ski de fond et patinoire ont vécu une petite saison, heureusement la piste de luge du SwissPeak a été enneigée artificiellement pour la première fois. Nous avons maintenu des pistes ouverte pour les sportifs jusqu’au 14 mai, je rédige ces conclusions le 15, l’expérience semble bonne. Les températures sont restées fraîches et les précipitations abondantes, malgré ces apports le manteau neigeux diminue rapidement, le printemps s’impose doucement mais fermement. Lien vers le rapport climatologique hiver 2023 de MétéoSuisseLien vers la feuille de calcul incluant les mesures de tout l’hiverLien vers l’album public Hiver 2023

L’arête des Gardes à Bordon le 30 avril, il reste beaucoup de neige en montagne, les coulées de printemps seront impressionnantes mais le ski de randonnée certainement possible tardivement.

Quelques réflexions très personnelles, c’est mon blog après tout; d’abord on nous annonça une terrible crise énergétique due à de multiples facteurs dont la guerre à l’est. J’imaginais des économies drastiques dans les stations, ce que les médias et spécialistes annonçaient à grands discours. Il ne s’est rien passé, les mesures d’économie sont restées minimes, nous n’avons jamais manqué d’énergie malgré l’augmentation des coûts, les clients étaient nombreux et il fallait les satisfaire. Cette crise des mots a énormément enrichi les fournisseurs d’énergie au détriment de tous, riches et pauvres, un détail pour les premiers une catastrophe pour les autres car tous les biens de consommation ont suivi. Je pense qu’à l’avenir, au moins jusqu’aux centrales à fusion, il faudra consommer moins pour offrir de belles glissades à nos hôtes. Les retours en stations par exemple devraient attendre que les conditions soient propices à leur ouverture, plutôt que de brûler des quantités invraisemblables de courant et de mazout pour de piètres résultats. Si les scientifiques et les statistiques montrent que l’hiver commence à 2000 mètres, concentrons-nous sur ces altitudes tout en gardant la possibilité de skier plus bas quand la nature le permet. Mon travail se situe entre la donne naturelle et l’industrie du tourisme, je constate ainsi la chance insolente de notre région qui investit à la limite du surendettement; nous avons reçu 243 cm de neige l’hiver 2011, pareille situation peut se reproduire, ne l’oublions pas dans notre course en avant.

Je mets en exergue cette photo du futur Espace Weisshorn qui sera en fonction l’hiver prochain. Un nouveau restaurant qui changera toute la dynamique de la station, et devrait drainer une nombreuse clientèle hiver comme été. Rendez-vous en novembre…

Les records 2023

Pas de quoi s’étonner des records de vent ni de froid cette saison, aucune valeur ne s’approche du podium de ces 24 derniers hivers. Je rappelle que seule la plus belle rafale d’une perturbation et les plus basses températures d’une période froide entrent en compte. Les vrais records seraient une fois de plus à chercher dans les températures positives, mais c’est l’hiver que je souhaite observer, pas le réchauffement dont tout le monde parle. Le sol a gelé en début de saison avant d’être protégé par la neige, et je suis moins terrifié par l’avenir quand je note au moins un mercure sous les -20° pendant l’hiver.

Suivent : -16.7° le 07.02.2023 à 08h00, -16.8 le 23.02.2023 à 18h30, -16° le 15.03.2023 à 08h00, -14.8° le 10.01.2023 à 08h30, -13.1° le 20.11.2022 à 01h30

Les vents n’ont pas cassé la baraque, même pas 120 km/h sur la plus haute marche c’est petit. J’ai gardé la troisième place à une rafale du 27 mars, le front était clairement séparé de celui qui emmena le coup de vent record quatre jours plus tard. Nous avons évacué deux fois la station à cause du vent, notre magnifique télécabine tout neuf supporte moins bien les tempêtes que l’ancien téléphérique.

Suivent : 73.7 km/h WNW 292° le 20.11.2022 à 22h30, 73.7 km/h WNW 292° le 20.11.2022 à 22h30, 66.6 km/h NW 310° le 23.11.2022 à 19h00.

La couche 2023

Un hiver poussif marqué par de hautes températures à chaque épisode neigeux, ce qui créa le contraste entre Sorebois et le village sous les minimas historiques. Les mesures faites sous 2300m sont sous les moyennes, alors que le carré de mesures à 2500m fait grimper la moyenne calculée depuis l’an 2000 à 537,5 cm.

A l’approche de Noël nous avions pu ouvrir toutes les installations, dans la misère pour les naturelles. Ce sont les précipitations des 23 et 24 décembre ( 23+44cm) qui permirent des pistes parfaites pour les fêtes. En station et sous 2200m les pluies ne laissèrent que flaques et neiges détrempée. Une deuxième série de crachins du 17 au 19 janvier sauvèrent la saison qui firent dépasser brièvement le mètre de couche. Il ne tomba ensuite plus rien de sérieux avant mars, la couche d’un mètre le 11 connu son maximum le 16 avril avec 164cm. Avril resta frais, nuageux et dépassa le mètre de précipitations pour placer le cumul saisonnier à 578 cm. La station de Mottec mesura pour la période 350 mm de précipitations liquides.

Je mesure jusqu’au 30 avril, un beau dimanche ensoleillé le matin avec d’abondantes précipitations en soirée. Il y avait environ 30 cm de fraîche le premier mai, nous aurions passé les six mètres mais bon… Le passage du 31 mars au 1er avril emmena la même quantité de neige; coïncidence marrante comme la neige à Noël, la météo connaît-elle notre calendrier ?

04.11.2022 = 06cm, 05.11.2022 = 08cm, 10.11.2022 = 03cm, 14.11.2022 = 10cm, 15.11.2022 = 04cm, 16.11.2022 = 03cm, 17.11.2022 = 02cm, 18.11.2022 = 18cm, 21.11.2022 = 04cm, 22.11.2022 = 08cm, 24.11.2022 = 06cm, 26.11.2022 = 02 cm, 29.11.2022 = 02cm, 30.11.2022 = 08cm, Total novembre = 82 cm

05.12.2022 = 02cm, 09.12.2022 = 02cm, 10.12.2022 = 11cm, 11.12.2022 = 06cm, 13.12.2022 = 03cm, 16.12.2022 = 07cm, 22.12.2022 = 03cm, 23.12.2022 = 23cm, 24.12.2022 = 44cm, 27.12.2022 = 09cm, 30.12.2022 = 04cm, 31.12.2022 = 04 cm, Total décembre = 118 cm

09.01.2023 = 14cm, 10.01.2023 = 18cm, 12.01.2023 = 06cm, 13.01.2023 = 02cm, 15.01.2023 = 03cm, 16.01.2023 = 05cm, 17.01.2023 = 13cm, 18.01.2023 = 06cm, 19.01.2023 = 12cm, Total janvier 79 cm

05.02.2023 = 02cm (grésil), 23.02.2023 = 07cm, 27.02.2023 = 04cm, Total février 2023 = 13 cm

08.03.2023 = 04cm, 09.03.2023 = 18cm, 10.03.2023 = 04cm, 11.03.2023 = 36cm, 12.03.2023 = 14cm, 14.03.2023 = 17cm, 15.03.2023 = 16cm, 20.03.2023 = 09cm, 24.03.2023 = 04cm, 25.03.2023 = 11cm, 26.03.2023 = 04cm, 27.03.2023 = 18cm, 28.03.2023 = 07cm, 29.03.2023 = 05cm, 30.03.2023 = 5cm (sablés), 31.03.2023 = 07cm, Total mars = 179 cm

01.04.2023 = 32cm, 02.04.2023 = 02cm (grésil), 03.04.2023 = 02cm, 08.04.2023 =04cm, 12.04.2023 = 12cm, 13.04.2023 = 13cm, 14.04.2023 = 06cm, 16.04.2023 = 10cm, 21.04.2023 = 11cm, 24.04.2023 = 12cm, 25.04.2023 = 03cm, Total avril 107 cm

Cumul hiver 2023 depuis le 1er novembre 2022 = 578 cm

La nébulosité 2023

J’estime la nébulosité en pourcentage de ciel occupé par des nuages à Sorebois tous les matin à 8 h, on peut vérifier sur l’historique de la webcam de la Vouarda. Cette saison j’ai constaté 51 matin de grand beau temps, 62 jours mitigé avec moins de 50% de nébulosité et 67 jours nuageux avec plus de 50% de nébulosité. Parmi eux, 39 jours de grand beau temps à la nébulosité de moins de 10% et 51 jours complètement bouchés. Notez l’exceptionnelle première quinzaine de février, en deuxième quinzaine la colonne mitigée domine grâce à 4 jours notés à 10% de nébulosité, le minimum de la catégorie. Donc un février exceptionnellement ensoleillé, le reste de la saison bien mélangé. En 2022, je notais 81 journées de beau temps, 66 en 2021. Nous avons vécu un hiver un peu moins ensoleillé que la moyenne :

Le danger 2023

Encore une saison au stress facile à gérer pour les patrouilleurs, les principaux apports de neige sont arrivés chaque fois sur des substrats anciens faciles à déclencher ce qui, paradoxalement, facilite le travail et élimine rapidement le danger. Le 24 novembre, le SLF produisit un bulletin national qui plaçait la région en danger limité, j’ai pris note sans interpréter la manœuvre. Le premier bulletin régional selon la formule habituelle est tombé le 6 décembre avec un degré faible qui augmenta à 2 limité le 7 sans apport de neige. Ce sont 146 estimations du danger qui furent publiées jusqu’au 30 avril dont 18,5 jours en degré 1 faible, 66 en degré 2 limité, 54,5 en degré 3 marqué et 7 en degré 4 fort. 9 jours étaient placés en degré 1 le matin puis 2 suite au réchauffement diurne, du 14 au 22 février. Il n’y a que le 19 avril qui vécut une augmentation du 2ème au 3ème degré de danger pendant la journée. L’addition donne un taux de de stress du patrouilleur de 233, soit 100 point de moins qu’en 2022, loin du record de 395,5 établi en 2019. J’ai commencé à calculer ce barème en 2015, hiver très tranquille avec 242 point, nous avons donc vécu la saison la plus peinarde depuis plus de dix ans au moins. Cette méthode d’évaluation pas du tout officielle correspond bien à mes impressions, je la maintiendrai.

C’est un hiver tardif, pas de bulletin en novembre, et le février le moins dangereux de l’histoire récente. Ce n’est qu’après le 9 mars que le niveau s’est élevé dans notre région. Cette saison le SLF émettait des niveaux intermédiaires pour chaque degré de danger, cela se traduisait par des -, = ou + ajoutés au degré dans le bulletin d’avalanches. Je n’ai pas suivi le débat des spécialistes ni répondu à l’enquête de satisfaction de l’institution. Je n’ai pas utilisé ces intermédiaires dans mes notes quotidiennes mais les ai partagées sur les réseaux. Le concept est intéressant, affine l’interprétation du bulletin et favorise la discussion si ce n’est les disputes. Au quotidien dans les station on sort les panneaux de danger au degré 3, pas au 2+, et le domaine freeride ouvre au degré 2, pas au 3- même si certains docteurs s’en servent pour argumenter leur analyse avant d’enjamber nos filets. Quand ils ne les piétinent pas. Notons aussi qu’une progression du 3+ au 3= puis au 3- nous permet d’anticiper la régression en danger 2, ce que nous faisions assez bien au pifomètre autrefois. Mon avis est que si le SLF décide de garder l’an prochain ces niveaux intermédiaire ce n’est pas grave, et que s’il les abandonne ce n’est pas grave non plus.

Avril 2023

Un début en fanfare pour ce mois d’avril, je mesurais 32 cm sur la planchette à 2500 m le 1er au matin, une douzaine de cm blanchissaient Zinal, la région était en danger 4 fort. On prévoyait un dimanche ensoleillé le lendemain, avec gros débarquement de freeriders affamés; ce fut un samedi de minage intense avec des résultats mitigés. Les forts vents d’ouest de la veille avec la rafale record de la saison à 117 km/h avaient laissé de belles congères derrière les arêtes. Sur un domaine régulièrement miné où la plupart des avalanches de fond s’étaient déclenchées les semaines précédentes, nous notions les coups positifs sur les pentes extrêmes, amorcées par le minage des corniches. Les meilleurs résultats s’obtenaient dans les expositions nord, avec une surprise sous l’arête de la Corne au point d’ancrage de la Noire à Etienne où une avalanche massive traversa les deux premières digues sur une pente régulièrement purgée et skiée. Je ne connais pas la montagne malgré mes trente saisons. Le 2 au matin nous montions à 6h pour fignoler le travail et tirer les gazex dans les Gardes à Bordon, j’ai tenté de filmer les explosions depuis Sorebois, il y avait de belles accumulations qui laissaient espérer des images spectaculaires. Cette vidéo de qualité médiocre restera hélas dans le blog, pour la science, difficile de faire deux choses à la fois. Le trépied tremblait au vent, sans parler du son affreux, moi je commandais les gazex au chaud sans m’apercevoir du problème.

Les températures sont restées relativement fraîches en début de mois, le mélange soleil-vent-froid magnifiait le paysage. Zinal organisait les championnats de Suisse OJ dans d’excellentes conditions , les remontées fusionnées depuis dix ans de Grimentz-Zinal dépassaient pour la première fois le demi-million de journées skieurs, nous profitions de la montagne et du ski dans une belle ambiance. Un régime du nord frais entretenait la neige et nos soucis d’avalanches ont suivi l’avis du SLF qui décréta un danger limité dès le 6. Un front chaud les 12 et 13 effaça les vieilles traces en ajoutant 25 cm a un cumul qui atteint la moyenne; nous avons fait quelques minages de vérification en amont des tronçons menacés par les corniches, mais rien n’atteint les pistes. Le 16, dix centimètres cachaient la planchette et je notais la plus haute couche de la saison avec 164 cm bien tassés, on les aurait rêvés en décembre…

La saison de ski s’est terminée le 16 sur un week-end mauvais le samedi et mitigé le dimanche, nous avons rangé la station lundi. Le printemps s’installa lentement, les températures grimpèrent jusqu’à déclencher le 20 de belles et bruyantes coulées sur les Gardes, rien ne partait du sommet, j’observais des déclenchements sous 2800 m pas plus haut. Le 26, un fort refroidissement (-16° à la Corne le matin) stabilisait la menace. Deux jours plus tard à la même heure au même endroit, le mercure indiquait 0°…

Les remontées mécaniques ont tenté cette fin de saison d’entretenir quelques pistes pour permettre aux teams de s’entraîner jusqu’au 14 mai. Je remonte donc tous les week-ends pour les entraînements de 6 h à midi, l’ambiance est sympa et j’ai pu suivre l’enneigement jusqu’en fin de mois sans me référer aux sondes. Il a plu abondamment jusqu’à 2600m samedi 29 tout était annulé, par contre dimanche matin les pistes étaient béton comme ils aiment sous un ciel dégagé. On annonçait une perturbation carabinée pour le 1er mai avec une trentaine de cm de fraîche à 2500 m, j’ai vécu cette journée près du poêle dans mon mayen. Mes mesures se terminent le 30 avril, 180 jours où je note et publie chaque matin les mesures du vallon. Pour la comparaison, mes hivers restent dans la période où la neige est utile aux stations, donc malgré l’intérêt ma saison s’est terminé le 30 avril avec un cumul le 578 cm, mais nous aurions passé les 6 m en comptant le 1er mai.

Des pistes d’entraînement parfaites le 30 avril à 10h30.

la feuille de calcul avril 2023 résumée sur le graphique ci-dessous clôt les mesures de cet hiver 2023. Avril s’est révélé frais et neigeux avec -6.8° en moyenne de tous les matin à 8 h à 2900m et 105 cm de cumul. Du côté hivernal des normes mais rien d’exceptionnel, nous aurons confirmation dès publication du bulletin climatologique de MétéoSuisse. Le printemps bien engagé en vallée s’est ralenti, il faut de la chaleur pour booster la croissance des plantes. La saison de randonnée s’annonce belle et longue, il reste beaucoup de neige en montagne.

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Mars 2023

Nous avons rattrapé en mars le déficit hivernal, en neige au-dessus de 2200 m comme en eau plus bas. Nous avons mesuré 179 cm de cumul à 2500 m et 117.4 mm de précipitations liquides à Mottec, plus du double de la norme. La situation initiale du mois et la première période perturbée sont décrits dans les deux articles précédents, je survolerai pour m’attarder sur la deuxième quinzaine. Exceptionnellement, je publie en première image le graphique qui résume la feuille de calcul mars 2023; la ligne bleue montre la couche à Sorebois, Les colonnes grises la nébulosité et les bleues les précipitations journalières. Mars à clairement sauvé notre fin de saison et constitué un bonne réserve d’eau en montagne pour alimenter sources et rivières ce printemps. Un soulagement au regard de la sécheresse de l’été passé.

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C’est également du travail pour ceux qui transforment la montagne en parc d’attraction, patrouilleurs, machinistes et employés des remontées mécaniques, mais quel plaisir de pétrir une matière première qui commençait sérieusement à manquer. Après la première série de perturbations, la plupart des pentes autour du domaine skiable ne causaient plus de soucis, elles étaient purgées, impraticables ou stabilisées. Un réchauffement spectaculaire le 17 déstabilisa le manteau en place sous 2200m, on observait des avalanches mouillées de talus et quelques véritables coulées dans les pentes raides, les plus fracassantes au niveau bruit n’ont pas débordé des cônes au fond des couloirs des Gardes. Il restait beaucoup de pentes dangereuses en haute montagne, dès le 16 de vastes avalanches spontanées se déclenchaient, un grand coup de froid le 20 accompagné d’un apport d’une dizaine de cm stabilisa une situation tendue. Pas de victime dans la région malgré les imprudences.

Moiry le 16 mars 2023 à 13h, déclenchements à distance par des randonneurs sur l’itinéraire du col de Torrent.

Les précipitations reprirent le 24, MétéoSuisse nous promettait une fin de mois agités. Nous craignions des complications, les déclenchements de neige poudreuse en altitude qui emportent de la neige lourde et mouillée en aval sont particulièrement dangereux. La tempête nous força à évacuer la station le 26 vers 14h, comme souvent les pires vents précédaient une magnifique éclaircie, nous nous retrouvâmes sous le soleil et le calme une fois les clients évacués à 16h. Le 27 au matin, 37 cm s’étaient accumulés sur la planchette en trois jours et le SLF plaçait la région en danger 4; mais 4- moins, on en reparlera. Nous avons alors procédé à l’essentiel du minage à skis et aux Gazex, puis achevé le 28 par le minage hélico et quelques fignolages sous un ciel parfait. Nous avions atteint le mètre de couche le 9 pour ne plus passer dessous, toute cette poudre reposait sur un fond parfait, ce très frais mardi 28 (-14.8° à la Corne) fut magique. Le lendemain les perturbations étaient de retour avec un front chaud, les vents tournèrent au sud-sud-ouest et amenèrent un couche de 5 cm fortement mêlée de sables du Sahara pour la première fois observable cette saison. La photo ci-dessous a été prise pas Denis au départ de Durand, qui les a nommées « roulettes de neige ». les boulettes formaient des colimaçons aux couches délimitées par les sables en surface. Dame Nature doit réunir plein de paramètres pour créer ces merveilles éphémères.

Une « roulette de neige » le 30 mars à Combe Durand 2420 m.

Malgré les perturbations, le soleil de mars entretint une sensation de temps de gibouleux plus qu’hivernal avec d’agréables moments de soleil et des températures faciles. Le rapport climatologique mars 2023 de MétéoSuisse ne me contredit pas. Le dernier jour du mois fait l’objet d’une rétrospective sur leur blog, un épisode très intéressant qui garantit à mars une place sur le podium des vents avec un 117 km/h WNW le 31 à 16h. Une histoire que je terminerai en avril…

Bilan des neiges du 8 au 15 mars 2023

Il est tombé 109 cm de neige fraîche à Sorebois 2500 m du 8 au 15 mars, la station de Mottec a enregistré 61 mm de précipitations liquides sur la période. Cet épisode plus que bienvenu permet au cumul saisonnier de dépasser les 4 mètres, la couche a atteint 140 cm à Sorebois et brièvement dépassé les 30 cm à Zinal 1700 m le 15, mais les températures jouant au yoyo, c’est souvent la pluie qui s’est imposée sous 1800 m.

Le 10 mars à 9h, il tombe des pizzas sur le futur Espace Weisshorn à 2700m.

Les vents ont oscillé du sud au nord-ouest, la plus belle rafale est restée sagement à 95 km/h W 266° le 9 mars à 0h30, rien d’exceptionnel, néanmoins suffisant pour déplacer pas mal de neige. Côté températures je note surtout le +11.6° à Zinal le 13 à 14h, on mesurait au même instant +3.4° à la Corne de Sorebois 2900 m.

Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

Quelques images du radar montrent les épisodes intenses, le premier laissa 14 cm, l’épisode principal vendredi accumula 36 cm, le magnifique front de lundi une première mesure à 17 cm auxquels on doit ajouter 16 cm mesurés mercredi matin.

Comme prévu, les premières neiges ont déclenchées largement, le minage du 12 purgea au terrain les pentes, les principales spontanées sont nées de ruptures de corniches, par minage plus bas dans le terrain. Après ces premiers résultats et jusqu’au retour des précipitations lundi 13, nous avons entretenu les pentes autour du domaine ouvert sans gros résultats. En formation à Blatten, j’ai malheureusement raté le spectaculaire minage par hélicoptère du mercredi 15 et dois me contenter des images qui m’ont été transmises. Au final, nous avons procédé à 14 tirs de Gazex le 12, les patrouilleurs ont jeté 375 kg de Tovex et le minage par hélico du mercredi a répandu 500 kg. Ce sont donc 875 kg d’explosifs qui ont été nécessaires pour sécuriser un mètre de neige fraîche tombé en 8 jours. Je note que les pentes déclenchées le 12 on majoritairement gardé leur neige ensuite, que la plupart des morceaux restants ont été déclenchés par minage et parfois sous les skis des freeriders le 15, que l’épisode sauve la couche d’une chute sous le minimum historique pour la saison. Je nourris d’amers regrets de n’avoir pu filmer le minage hélico du 15, il est rare d’avoir le soleil à l’heure d’un minage à coup sûr positif, c’eut été magnifique avec mon matériel, mes trépieds et mon drone. Merci aux copains qui ont filmé avec leurs smartphones, Laeti, Mathieu et Titi. Les photos intéressantes sont ajoutées à l’album public de la saison.

MétéoSuisse publie un bilan de l’épisode au niveau national sur son blog de plus en plus intéressant et réactif, celui du slf est plus centré sur la problématique des avalanches. Ces prochains jours, les températures prendront l’ascenseur, le soleil de mars contribuera à déstabiliser la neige restée en place. La montagne sera très dangereuse et les situations difficiles à estimer, soyez prudents !

Situation au 7 mars

Après une période exceptionnellement calme, MétéoSuisse nous annonce un changement radical de temps pour la semaine à venir. Ce mardi « marquera la transition vers une situation d’ouest dynamique faisant affluer vers les Alpes de l’air océanique humide et graduellement plus doux » selon MétéoSuisse, on peut s’attendre a 80 mm de précipitations d’ici dimanche, pluies jusqu’à 2200 m en fin de période et vents à plus de 100 km/h. La situation, similaire a celle des 23 et 24 décembre, est décrite dans cet article du blog de MétéoSuisse. La lune sera pleine mardi à 13h42, au tout début de l’épisode, elle se vengera certainement de cet article qui niait ses effets sur les phénomènes météo.

Prévisions du 6 mars 2023 à 20h.

La couche est de 80cm à Sorebois, sa composition au plat est décrite précisément dans l’article précédent. Au village, je mesure 10 cm avec des variations allant de rien à 30 cm entre les zones ensoleillées ou ombragées. A toutes les altitudes, les expositions NW à NE sont en gros sel, les zones fréquentées présentent une surface qui supporte les skis, à pied on s’enfonce profondément. Sous 2200 m les pentes ensoleillées sont dures, puis différemment croûtées selon l’exposition et l’altitude. Plein sud, les pentes sont dénudées jusqu’à 2700 m, j’ai photographié les premiers tussilages à Sorebois ce 6 mars. Dimanche 5 sous un ciel parfait mais légèrement laiteux, j’ai effectué un état des lieux par drone.

Vue générale de Sorebois direction sud-ouest.

Le vent d’ouest formera des accumulations dès les premières précipitations, la plupart des pentes NW à NE devraient se déclencher spontanément assez rapidement. Sous 2500m, les premières neiges tiendront sur un substrat gelé, l’altitude des pluies en fin d’épisode sera cruciale. Les pentes SW a SW très skiées devraient supporter la couche mais ne résisteront certainement pas au minage. Si le scénario météo se confirme, des avalanches déclenchées en poudreuse se mélangeront à la neige lourde en basse altitude. Les coulées en vallée seront puissantes mais devraient rester dans les les couloirs et les digues quasi vides. Nous pouvons attendre des avalanches puissantes jusqu’en vallée, puissent ceux qui « connaissent la montagne » rester sagement dans les zones sécurisées.

Webcam Zinal vieux village
Anniviers depuis Crans-Montana

Lune et soleil en direct

Le soleil en direct
Carte des stations météo du vallon de Zinal

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Manu Zufferey

Manu Zufferey

Conteur, patrouilleur, sauveteur, randonneur, blogueur, écologiste de la première heure.

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