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Février 2023

Je me demandais après un janvier trop calme qui de la neige ou du chaud reviendrait en premier, ce furent hélas des chaleurs exceptionnelles pour la saison qui s’installèrent du 10 au 25. D’un point de vue nivologique peu à dire, 13 cm de fraîche en février, des températures de +5° à 3000 m, c’est une catastrophe climatique. Le 5 au matin je notais les 2 premiers cm du mois, du grésil composé de grains de 2 à 3 cm rapidement remodelé par des vents modérés mais soutenus du SE, la pointe à 55 km/h 157° du 7 au matin sera la plus violente de février. Les pistes artificielles sont restées excellentes et les machinistes ont réalisé des exploits pour sauvegarder les tronçons naturels, nous avons profité de bonnes conditions de ski sous un soleil généreux, les vacanciers sont venus nombreux et nous battons une fois de plus les records de fréquentation. Je décrirai donc un peu moins la neige, un peu plus les événements qui ont marqué la période. Pour commencer une heureuse rencontre le 3 février, alors que je balisais la piste de l’Aigle qui ouvrait le lendemain, un gypaète se dirigea droit sur moi et me survola à quelques mètres. Une photo ajoutée à l’album public Hiver 2023 libre de droit comme les autres, je ne revendique pas la propriété des beautés que Mère Nature offre à notre contemplation.

La Latta le 3 février à 11h.

L’unique canon à enneiger la piste de l’Aigle est alimenté par un torrent qui ne permet même pas son plein rendement, seul le mur noir bénéficie de neige de culture. Les températures ont dépassé les normes du 10 au 25, l’ensoleillement acheva les accès à la piste que nous avons pu maintenir ouverte du 4 au 19. Beaucoup d’efforts et d’énergie pour peu de temps, la piste du Chamois sur Grimentz, entièrement naturelle, n’a pas tenu dix jours. A l’élévation des températures, nous avons observé quelques avalanches de printemps sur les faces exposées, le 13 déjà la plupart des couloirs des Diablons s’étaient déclenchés, symboliquement, sans ampleur, même sur le très pentu couloir de Barneusa sur Mottec. Des mesures affolantes, +7.3° à la Corne de Sorebois 2900m le 14 à 13h, +6.6° le 20 à la même heure, avec un enneigement habituel, nous aurions connu de nombreux problèmes en période de haute fréquentation.

Les Diablons le 13 février à 16h15.

Le secteur dit de la “Coupe du Monde” à Combe Durand est très exposé, la terre s’est rapidement mélangée à la neige accélérant encore la fonte. Nous avons tenté de miner deux pentes qui se déclenchent souvent vu leur déclivité. Pas pour les sécuriser cette fois, mais pour tenter d’apporter un peu de neige sur la piste ce qui ne réussit que très partiellement. Une languette noirâtre ne déposa qu’une vingtaines de m3 sur la piste. C’est le seul et unique minage de ce mois de février, nous économisons au moins sur les explosifs et les heures d’hélicoptère.

Combe Durand le 21 février, suite au minage de la veille.

Un regard sur la vallée nous transportait en avril, les villages entièrement dégagés de neige, quelques restes sur les alpages, et une impression de sécheresse. L’hiver 2022 déjà trop clément présentait le même paysage mi-mars, ce qui nous inquiétait déjà. Un front froid apporta 7 cm le 23, les températures retrouvèrent les normes de saison et le manteau neigeux se figea. Un autre crachin le 27 eut pour particularité d’indiquer une dizaine de cm aux stations automatiques de Tracuit et d’Orzival, alors qu’a Sorebois, la planchette comme les pistes étaient juste recouvertes de 4 cm. Peut-être quelques congères sous les capteurs ?

Anniviers le 21 février à 12h30

Des papillons traversent les cols en direction de l’ouest dès les hautes températures, habituellement en mars. Je note chaque année la première observation, le 11 février cette saison. Je connais mal les insectes, il me semble que ce sont des petites tortues, si quelqu’un peut m’expliquer la raison de leurs migrations hivernales… Fait remarquable, nous avons observé deux frontales qui traversaient les Gardes à Bordon le 11 vers 20h, sur le parcours du chemin d’été. C’est un exploit encore jamais réalisé qui se reproduisit deux jours plus tard. Ce secteur est un des plus avalancheux du pays, les couloirs n’offrent aucun échappatoire et les coulées sont fréquentes en toutes périodes. Une corniche a encore cédé le 28 entraînant la neige jusqu’en fond de vallée. La montagne est tracée de partout, les randonneurs jouent leurs vies sans aucun discernement, on s’habitue. Mais là c’est le pompon. Les 24 et 25, le paysage était laiteux d’un faible quantité de sables remontés du Sahara pour la première fois de l’hiver.

La couche de neige oscilla autour des 80 cm à 2500 m, elle passa de 24 à 14 cm en station. Une longue période de métamorphose constructive depuis le 20 janvier transforma tous en gros sel, puis les hautes températures et le rayonnement découvrirent les faces ensoleillées jusqu’à 2500m. La couche subit une métamorphose de fonte en profondeur avant la chute des températures en fin de période. Je ferai un profil de la zone de mesures rapidement, trouvez d’ici-là mes mesures sur la feuille de calcul février 2023 résumée dans le graphique ci-dessous. J’attends les bulletin climatologique de MétéoSuisse qui décrira certainement le février le plus chaud de l’histoire jusqu’à l’année prochaine. Une blague qui ne fait plus rire personne tant on peut souvent la placer.

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Janvier 2023

Avec leurs vœux beaucoup de journaux annoncèrent le premier de l’an le plus chaud de l’histoire, 1.5° à la Corne et 8.6° à Zinal à 13h pour la référence locale. Pas génial pour la neige mais une montagne belle et agréable pour notre très nombreuse clientèle, la station a battu les records de fréquentation. Les circonstances climatiques sont favorables à Grimentz-Zinal, mais la nature a besoin d’un hiver, cette année plus que jamais. On annonça un changement à la fin exacte des vacances, j’envoyais le drone faire un tour du domaine le samedi 7 janvier. On distinguait encore bien les avalanches des 23-24 décembre, le jeu des prochains minages sera de déclencher sur les morceaux restants.

Sorebois le 7 janvier à 11h30.

Nous avons reçu 32 cm les 9 et 10 du mois, comme prévu nous n’avons obtenu quelques résultats que sur les résidus de neige ancienne et sur les accumulations au sud-est des petites arêtes des versants nord. Jusqu’à la deuxième digue sur Coha du Bla sur le film ci-dessous, seules véritables avalanches de l’épisode. Mais quel bonheur cette neige sur un fond sécurisé enfin assez épais, nous avons retrouvé la joie de skier. Les températures sont restées excessive jusqu’au 16 quand nous avons perdu 10° en 24 h, nous allions ensuite continuer dans les normes de janvier. Le 10 était en degré 4 justifié par le mystère, le premier tour de minage effectué nous ressentions un trois bien tassé, rien ne risquait d’atteindre la vallée.

Du 16 au 19, de petites perturbations du nord-est apportèrent la quarantaine de cm qui emmenèrent la couche vers le mètre, seuil du bon ski à Sorebois. Quelques minages en amont des routes du Chiesso et de Barthélémy suffirent à sécuriser le domaine, le minage hélico du 19 garantit l’accès aux Plats de la Lée et termina la sécurisation. Les courants s’orientèrent N-NE pendant plusieurs jours, un froid glacial accentué par la bise s’installa, un record saisonnier à -21.2° s’établit le 21 au lever du jour.

Minage par hélico des Gardes de Bordon le 19 janvier à 8h, du moyen.

Le 19 je mesurais 102 cm à 2500 m, 42 cm à 2300 m et 28 cm à Zinal, l’enneigement n’est favorable qu’en altitude. Nous avons ouvert les pistes de fond, les patinoires ont profité des températures, les stations ont un air d’hiver malgré le peu. Les matins découverts et les températures extrêmes ont fortement transformé la neige, tout n’est que gros sel, même la neige travaillée a du mal à se lier. Le contact entre les corniches et les arêtes rocheuses s’est littéralement défait sous l’effet de la métamorphose des neiges de contact, certaines ont cédé entrainant des nuages de poudres plus émouvants que dangereux en haute montagne. Cet espace exagérément pourri entre arêtes et corniches a aussi été remarqué côté Bendolla. Le 26 j’envoyais le drone faire un point de la situation avec deux photosphères, une à 3000 m en amont de la Corne de Sorebois et l’autre à 2600 m en amont de Tsarmettaz. Le paysage renifle la neige ancienne, des traces partout, des champs de bosses, un relief accentué et des expositions sud déjà dégarnies sous 2300 m. Après un travail insensé, nous avons ouvert la piste du chamois samedi 28, pour quelques jours… Tout est ainsi en place pour les prochaines neiges si…

Moiry le 27 janvier, le lac a gelé autour du 15.

La feuille de calcul janvier 2023 est illustrée par le graphique ci-dessous, janvier est vraiment séparé entre une moitié tiède et une moitié fraîche. Au final nous somme exactement dans la moyenne des cinq dernières années, comparaison faite avec les températures à 8h, la couche est la moyenne du mois. Pour résumer les conditions à l’approche de février : 22cm de gros sel à Zinal, 85cm de gros sel à Sorebois. Reste a voir qui de la neige ou de la chaleur reviendra en premier. En plus du résumé du mois sur le blog de MétéoSuisse, je partage le lien vers cet horrible article sur les effets de la pleine lune; faut-il vraiment casser tous les mythes?

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Décembre 2022

Début décembre, nous avions suffisamment de neige de culture pour préparer le centre du domaine; les premiers clients, surtout des ski-clubs, profitèrent de l’ouverture anticipée le samedi 3 après deux reports. L’Immaculée Conception marqua l’ouverture saisonnière du secteur Sorebois, Bendolla suivit le 17. La montagne était douce et belle, pas grand chose à dire sur la neige si ce n’est que le peu en place se métamorphosait en gros cristaux. Le SLF publia un premier bulletin régional le 7, histoire d’être prêt pour le front froid du 10 qui laissa une quinzaine de cm à 2500m et blanchit la vallée dès 800m. Cette perturbation du NW entraîna un froid glacial qui plaça le record saisonnier à -19.7° le 11 à 7h, jusqu’à -27° en surface de la neige. Un manteau fin, un sol tiède et de grands froids accélérèrent la métamorphose constructive.

Anniviers le 11 décembre 2022 vers 11h.

On peut critiquer l’enneigement artificiel, il permet la survie voire l’essor économique de notre vallée en garantissant la saison touristique. La fréquentation des stations montre le besoin d’espace et d’évasion des citadins laborieux, leurs déplacements entre plaine et montagne inquiète bien plus mon œil d’écolo que la production de neige. Nous retenons l’eau pour la transformer en électricité, nous utilisons au passage un peu des deux ressources pour garantir l’attractivité touristique du pays. Que ceux qui critiquent présentent leurs bilans.

La météo se rétablit bien vite, nous approchions des fêtes sans pouvoir envisager l’ouverture des pistes naturelles quand le miracle de Noël se produisit : un front chaud très actif avec d’abondantes précipitations approchait, mais avec une limite pluie-neige entre 2000 et 2500m. Le déluge s’abattit le 23 décembre, je mesurais 23cm au matin, 44cm de plus le 24, mesures à 2500m. Les pluies rincèrent la montagne jusqu’à 2200m, jusqu’à 2400 en fin d’épisode. Au final, il subsista moins de 30cm de neige mouillée au départ du Chiesso à 2260m mais nous avions assez de matière plus haut pour préparer les pistes naturelles avant le rush des vacances de Noël. Au matin du 24, nous avions 96cm de neige lourde à 2500m, un manteau détrempé sous 2400m, des congères formées par trois jours de vents d’ouest modérés mais réguliers. Le tout posé sur un substrat d’une trentaine de cm de gros sel.

Nous skiions sur des œufs au minage du 24, des plaques énormes se déclenchaient à notre approche au-dessus de 2500m. Plus bas, tous les talus se détachaient facilement sous le poids d’un manteau détrempé, seules les faces exposées au sud et dégarnies de couche de fond et les faibles pentes gardaient le nouvel apport. L’épisode coûta peu en bombes, les zones de tir se déchargeaient à notre approche. Un minage tendu et impressionnant, avec de forts tassements sur les pentes moyennes et de nombreux départs sous nos skis. Les 25 au retour d’une bonne visibilité, nous constations que la montagne était purgée et qu’il ne restait plus grands risques dans la périphérie du domaine skiable. Le SLF plaça la région en degré 4- les 23 et 24, puis en 3+ marqué le 25 ce qui m’a semblé judicieux. Les nuances apportées aux degrés de danger par les symboles -,= et+ dans les bulletins d’avalanches feront l’objet d’un article prochain, je me laisse quelques mois pour apprécier la nouveauté. Niveau ski, nous avons apprécié quelques virages au-dessus de 2600m, dans une neige lourde et peu profonde d’où dépassaient de nombreux cailloux. Par contre cette neige bien tassée et les pentes purgées feront un substrat idéal aux prochains apports.

Le 24 décembre même les petits talus habituellement inoffensifs menaçaient.

Puis revint le beau temps, la vallée se remplit lundi 26 et les domaines skiables de Sorebois et Bendolla dépassèrent les 9500 skieurs le mercredi 28, un record. Une période faste pour nos stations d’altitude, au détriment des domaines situés sous 2200m. Pas de pistes de ski de fond, mais quelques possibilités de faire de la luge et des patinoires ouvertes. Il manquait clairement une petite touche hivernale dans les villages pour ces fêtes de fin d’année. Fin décembre, nous avions passé les 200cm de cumul, toujours au point de mesure à Sorebois 2500m. La feuille de calcul Décembre 2022 est résumée dans le graphique ci-dessous. Encore une fois, comme le démontrera certainement le bulletin climatologique de MétéoSuisse à paraître, ce dernier mois d’une année trop douce n’a fait que confirmer une réalité. Les stations devront s’y adapter ou périr.

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Bonne année 2023 !

Notre monde est en mutation. La société change depuis trois siècles sous l’impact des nouvelles technologies et de la recherche d’un vivre-ensemble convainquant; il y eut des guerres, des révolutions, des changements profonds dans notre mode de vie. Depuis peu, la démographie, les technologies et l’utilisation massive des énergies fossiles touchent l’ensemble de la planète, le vivant, les courants atmosphériques et océaniques, le climat, nous sommes assez lourds pour faire basculer la planète. Souhaitons pour 2023 qu’individus et nations sauront faire taire les égos, pour atteindre une harmonie possible et souhaitable entre tout et tous. Il est si beau, ce monde où nous ne faisons que passer…

Retrouvez les photos de la saison sur l’album public Hiver 2023

Novembre 2022

Un novembre frustrant quand on attend la neige, ou du froid pour en produire. La perturbation des premiers jours du mois ne laissa rien, celle du 4 ouvrit une liste de quatorze crachins dont le plus beau afficha 18cm sur la planchette à 2500m le 18. Au total, le cumul du mois de 82cm laissa pour débuter décembre une couche d’une bonne trentaine de cm au-dessus de 2300m. Deux chiffres supérieurs à l’an passé, mais pas de quoi ouvrir la moindre piste. Ce sont les températures plus que la stérilité des perturbations qui marquèrent cette période grisâtre et tiède, 8° à la Corne 2900m le 11 du 11 à 14h30. Le 12, je montais à Nava en véhicule, la perturbation du 18 marqua le tournant de l’hiver, les températures se rapprochèrent des valeurs saisonnières et la production de neige put commencer sérieusement. Des équipes s’entraînaient le 23 sur l’arête de la Corne, les ouvertures anticipées du domaines furent reportées à décembre.

La production bat son plein le 24 novembre sur la Noire du Col.
Le 27 à 10h30, les équipes de compétition se disputent le terrain.

Le 24 à 9h, Lentin annonça le première avalanche sur les Gardes à Bordon. Le cumul des crachins et le vieillissement de la couche de fond engendraient les premières ruptures en haute montagne, aucun danger dans la périphérie du domaine. Le SLF émet un bulletin national en cas de dangers, puis régional quand l’hiver est bien installé. J’archive le degré de danger dans mes mesures journalières dès la publication du bulletin quotidien, mais au matin du 24 j’interprétais un degré 2 limité après lecture d’une publication ambigüe du SLF. Notez que depuis de nombreuses années, le pdf de la situation régionale est téléchargeable sur ce lien très pratique.

“Avalanche dans les Gardes !”, annonça Lentin le 24 novembre à 8h55.

Des mesures de neige dès le 4, des températures de saison depuis le 18, l’hiver s’est installé lentement. Une micro tempête le 20 plaça le curseur des records à -13.1 et 73.7 km/h à la Corne. Le bulletin climatologique novembre 2022 de MétéoSuisse décrit un énième mois trop doux et trop sec, une lecture plus attentive confirme l’impression générale pour notre beau Valais; le onzième novembre le plus chaud depuis le début des mesures, 1.4° en trop à Sion et 89% de l’ensoleillement par rapport à la norme 1991-2020. Ma feuille de calcul novembre 2022 résumée dans le tableau ci-dessous montre l’excès de nébulosité, les températures trop douces jusqu’au 18 et de nombreuses mais faibles précipitations dans le vallon de Zinal.

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Hiver 2023 – Situation initiale

Sorebois depuis Lyrec le 2 novembre 2022 à midi.

Encore un record, octobre s’avère le plus chaud depuis le début des mesures selon MétéoSuisse, même au niveau mondial. Lassant et tout doucement inquiétant, nous vivons du ski, l’annulation des courses à Zermatt pose des questions sur notre industrie, je lève un sourcil. Donc pas grand chose à décrire dans cette situation initiale, l’hiver n’a eu encore eu aucun effet sous 3000m. Au-dessus les précipitations des premiers jours d’octobre laissent la montagne blanche, la neige n’a plus quitté les revers. De belles précipitations du 20 au 24 ont mouillé le terrain qui n’a évidemment pas gelé, même dans les couloirs nord. On nous annonça une première véritable offensive hivernale pour le dernier jours du mois, avec grosse chute des températures. Je décidais d’attendre pour noter la situation initiale de ce millésime.

Températures à Mottec du 28 octobre au 3 novembre 2022

Le tournant s’est effectué la nuit d’halloween, l’ambiance était fraiche pour la Toussaint. Mais les quelques flocons tombés jusqu’à 2000m n’ont pas survécu au retour du soleil. A l’heure de la traditionnelle photo de Sorebois reportée au 2 et par drone, plus rien de blanc, quelques résidus sur les couloirs N-E tout au plus. Au-dessus de 3000m la neige commence à s’accumuler, une vingtaine de cm, plus de 30cm au-dessus. On peut s’attendre à des départs faciles dans les Gardes à Bordon aux véritables premières précipitations qui sont annoncées pour les jours prochains. Les températures permettront de commencer l’enneigement artificiel.

Vue sud depuis Lyrec le 2 novembre 2022
Vue nord depuis Lyrec le 3 novembre 2022

J’ai passé mon trentième hiver à Sorebois, dont 17 au service de sécurité. L’hiver 2023 sera le quinzième décrit dans ce blog qui a subi un gros remaniement cet été. Le transfert des articles depuis blogger n’a pas été sans mal, mais on retrouve toutes les publications malgré quelques problèmes de mise en page, la perte de médias et de quelques liens. Les méthodes de mesures ne changent pas, on peut faire mieux mais la longueurs des séries permet les comparaisons, je garde le système initial, explications au bout du lien. Sur le compte Tweeter @annitrek retrouvez les mesures journalières, @sorebois transmet le danger d’avalanches dans le vallon, les mesures et les articles sont regroupés sur ce blog. J’entre en service lundi 14 novembre, d’ici-là les observations sont faites depuis Zinal et les stations automatiques, sans négliger le coup de fil aux copains qui travaillent en montagne quand la situation est confuse. Comme de coutume je nous souhaite un hiver enneigé, des genoux bien solides, et toute la chance qu’il faut quand on travaille entre Dame Nature et les touristes.

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Eté 2022 – L’été trop, beaucoup trop

Il restait 75cm de neige à 2500m le 1er mai, la fonte battait son plein, les zones exposées étaient déjà dénudées jusqu’à 2900. Après un hiver trop chaud, un printemps trop beau s’installa; chaud, agréable et régulièrement arrosé ce qui permit une pousse exceptionnelle et précoce. La fenaison commença mi-juin, l’ardeur du soleil et les températures conjugués à la disparition précoce du manteau neigeux en haute montagne étonnait, mais nous entamions les vacances dans un climat propice. Début juillet tout était déjà trop sec, nous craignions une interdiction de faire du feu jusqu’à la belle rincée du 4, qui ne fit que retarder les restrictions. Des sources alimentées par la fonte des neiges étaient déjà taries.

L’interdiction générale de faire du feu dans tout le canton tomba le 18 juillet, cette décision incontestable resta en vigueur jusqu’à la mi-septembre. Interdire les barbecues et les feux de camp est une grosse restriction à la liberté de ceux qui aiment vivre en extérieur, mais en forêt comme sur les pâturages nous avions l’impression de marcher sur des corn flakes. Les prairies étaient déjà sèches de la Navizence à la Bella Tola en rive droite. Seuls les alentours des sources, des torrents et les prairies irriguées restaient vertes. Les forêts semblaient bien supporter la sécheresse dans les vallées, nous savons qu’elles étaient déjà en stress hydrique et qu’elles réagissent après un temps d’inertie, le problème reste à venir. Pour documenter la sécheresse, quelques photos dont une photosphère en amont de Cuimey le 16 août à découvrir au bout du lien, puis quelques chiffres :

On ne peut pas prendre uniquement la pluviométrie pour chiffrer la sécheresse, les neiges résiduelles en montagne, les températures et l’ensoleillement participent. La station MétéoSuisse de Mottec partage une pluviométrie depuis 1973, des statistiques certainement alimentées par les mesures de la centrale électrique avant la station automatique en 2015. Le graphique interactif ci-dessous résume les étés depuis 2013, ce millésime est le plus sec avec moins de 350mm. La moyenne pour les six mois d’été est de 434mm et la norme 1991-2020 de 476mm. En 2003, sécheresse historique, il a été mesuré 366mm à Mottec. Feuille de calcul en ligne .

Après une excellente fenaison la nature s’est déréglée, les pousses annuelles de certains feuillus ont séché (boulot, tremble), des fruits ont mûri trop vite avant de grandir, le tarissement des sources et des torrents laissait de grandes zones sans eau pour les animaux. Les cultures irriguées ont évidemment bien rendu, la vendange fut belle en quantité comme en qualité. Les sorbiers ont profité du printemps, ils sont gavés de fruits, le oiseaux dont les grands corbeaux nombreux cet été ne cachent pas leur plaisir. Le rut du est décrit dans un article précédent, les chasseurs ont atteint leurs quottas, les rapaces ont passé l’été au-dessus des forêts, ils étaient discrets en vallée. La sécheresse a eu plein de petites conséquences, mais rien de dramatique, nous avons échappé aux incendies qui ravagent durablement des régions. Des chiffres français parlent de 90% des incendies provoqués par l’homme, dont 70% par des actes de négligence ou de malveillance. On comprend la tutelle étatique sur les fumées.

Nouvelle plage du Toûno

Où allons-nous ? Deuxième été le plus chaud selon MétéoSuisse, pas des complotistes, après un hiver hors-normes, le système s’emballe. Une théorie récente accuse l’explosion volcanique aux îles Tonga en janvier d’avoir provoqué un effet de serre à l’échelle mondiale. J’ai compris que John Tyndall, le vainqueur de notre Weisshorn en 1861, était un des premiers à théoriser l’effet de serre et les conséquences des émissions de carbone. Nous savons, depuis longtemps. L’album publique Eté 2022 montre un début de saison au vert éclatant, les images sont brunes quasi automnales dès la fin juillet. Pour illustrer le paradoxe de notre société vis-à-vis de la nature, la remarquable floraison des linaigrettes dans le marais des plats de la Lée le 12 juin. Puis le marais s’est asséché mi-juillet, ce que je n’avais jamais observé. J’ai photographié un hélico posé sur cet espace protégé le 18, je n’ai pas vu où partaient les occupants; boire un café à la Tzouc? C’est pas gagné l’écologie, trop de connards avec de gros moyens.

Beau temps, températures confortables en montagne, c’était un magnifique été en Anniviers les touristes ne s’y sont pas trompés. La pression humaine sur la nature est plus forte quand il fait beau. L’économie cartonne, le tourisme alimente l’artisanat qui prospère. Pas de fausse note dans mes activités, nature et hommes furent généreux, des bons moments et du beau temps, du trop beau temps, du beaucoup trop beau temps.

Observation de la faune 2022

On ne s’improvise pas reporter animalier, ma campagne d’observations dans les environs de la Tzoucdana cet été me laisse plus de leçons que de satisfactions. Assez satisfait, j’ai donc énormément appris, le résultat de l’an prochain sera bien meilleur. Premier écueil le matériel technique avec ses trop grandes possibilités et ses limitations, dont l’alimentation. Trépieds, appareils photos, caméras, télécommandes, une seule batterie mal chargée et il faut changer ses plans. Ensuite les hommes, promeneurs téméraires, voleurs de caméras, philosophes citadins pleins de bonnes intentions mais coupés des réalités. Vivant en marge de la civilisation, je témoigne que la sélection par l’homme est bien moins cruelle que la sélection naturelle, qui se veut impitoyable, faisant fi de toute souffrance, de toute pitié.

J’épargnerai à cet article mes notes sur les déplacements du gibier, et le barbare vocabulaire cynégétique, pour ne garder que des observations basiques. Dès le 10 septembre, j’entendais bramer sans parvenir à localiser le précoce. Je plaçais les caméras dans les Chétisses le dimanche 11, j’en ramène quelques photos de biches et de daguets. Une semaine plus tard les gros mâles occupaient deux places de rut, dans les secteurs i19 et et L15, les biches commençaient à se regrouper. Autour, d’autres cerfs tentaient d’approcher les places gardées par les dominants, ou bramaient en périphérie. Une grande partie de la politique s’opère de nuit, j’ai observé quelques combats mais les dominants des premiers jours ont défendu leur place et leur cheptel. Deux bêtes paraissaient bien s’entendre en J20, elles semblaient partager la place, un combat coûta finalement un bois au plus petit et il ne s’approcha plus.

le 2 octobre vers 14h, je photographiais une saillie en L11. Un instant fugace et rare.

Les photos prises entre 1000 et 1500 mètres de distance sont retravaillées, principalement pour la netteté. Le résultat ne s’affichera pas dans les concours. Il me satisfait compte tenu de la distance, du coût raisonnable de mon matériel, et de la certitude de ne pas interférer ni déranger. Je regrette la mésaventure de la caméra volée, qui sait les images qu’elle aurait enregistré laissée en place. Je comptais sur elle pour les sons, le brame proprement dit, qu’il serait vain de décrire par les mots. Plutôt que de longues phrases, voici les meilleures images et de brèves descriptions en légendes.

Pas de place de rut dans le quart en bas à droite du quadrillage, alors qu’il y avait du monde en i6 l’an passé. On y voyait cette année des paires de mâles, des biches avec des jeunes en petits groupes. L’activité s’est calmée après le 10 octobre, pour cesser le 15. Tout ce petit monde s’est caché, on n’observe plus que des troupeaux de chamois. Biches et cerfs restent à couvert et se nourrissent de nuit pour récupérer un maximum de forces avant l’hiver.

L’observatoire de la Tzoucdana

Le cerf entre en rut vers la mi-septembre, les festivités durent un bon mois. Le brame est spectaculaire mais peu d’endroits permettent de l’observer sans déranger. Les chasseurs d’Anniviers ont construit et mis à disposition quatre observatoires équipés de longues-vues, celui de Zinal est situé en amont de l’auberge de la Tzoucana. Il fait face aux “Chétisses des Gardes à Bordon”, 400 hectares de nature préservée protégée des ambitions humaines par les phénomènes extrêmes qui s’y produisent, laves torrentielles, éboulements et avalanches. L’auberge et le camping sont ouverts en périodes touristiques.

On observe principalement cerfs et chamois, les chevreuils préfèrent les régions plus boisées et la distance est trop grande pour la petite faune pourtant nombreuse. Pour ceux qui prennent le temps de suivre l’évolution des troupeaux toute l’année, l’endroit est idéal; les néophytes qui attendent un spectacle facile seront déçus, il vaut se faire accompagner d’un connaisseur capable de repérer les animaux, de les déterminer et de décrire leur comportement. La longue-vue n’est pas adaptée à toutes les morphologies et on ne peut pas la bloquer, prévoyez vos propres jumelles et des habits chauds. Pour aider les groupes à se repérer dans le paysage, j’utilisais une photo quadrillée qui s’est vite révélée indispensable pour partager les positions à observer. Vous pouvez télécharger ici dans la meilleure qualité une version récente.

N’espérez pas ramener de beaux clichés, même avec un téléobjectif et un trépied les sujets sont trop lointains. On entend bramer les journées fraîches et la nuit, quand la rivière alimentée par le glacier reste discrète. Les images et les sons que je partage proviennent d’un Nikon P1000 au zoom de 120X (ci-dessous, la première depuis l’observatoire) et de deux caméras 4G placées dans le terrain avant le brame, période où il convient de ne pas déranger.

Les légendes du val d’Anniviers

En 1917, le lieutenant-colonel Souvairan de passage à Vissoie est invité par le curé Francey à assister aux cérémonies de la Fête-Dieu. Subjugué par la vivacité des traditions locales, il s’intéresse aux Mythes, contes et légendes de la région et publie Les légendes du val d’Anniviers.

Anniviers depuis le Besso 3669 mètres.

Un exemplaire de l’édition 1928 qui dormait dans une bibliothèque privée bâloise m’a été offert en 2000, c’est ma plus ancienne référence sur les mythes locaux. Je connaissais toutes les légendes par d’autres ouvrages parus plus tardivement, mais les mots ont ici la saveur du premier témoignage. Le fascicule se délite, je l’ai numérisé pour le sauvegarder et le partager, ce que je compte faire ces prochaines années avec les ouvrages qui ne seront d’évidence pas réédités. Bonne lecture !

Webcam Zinal vieux village
Anniviers depuis Crans-Montana

Lune et soleil en direct

Le soleil en direct
Carte des stations météo du vallon de Zinal

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L’auteur
Manu Zufferey

Manu Zufferey

Conteur, patrouilleur, sauveteur, randonneur, blogueur, écologiste de la première heure.

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