Zinal, le 7 septembre 2017 – Après l’article du 19 janvier ct, j’ai cessé de publier sur ce blog et sur Google+, me contentant des mesures au matin sur Twitter. Je me suis retrouvé à surveiller un filet pour interdire l’accès d’une piste en préparation quand un touriste m’a agressé, images des profils que j’avais réalisé à l’appui, pour m’expliquer que j’étais un parfait ignare si je l’empêchait de skier le secteur. S’il me lit toujours, je ne le salue pas. Voici neuf hivers que je partage sur ce blog ma passion de la dynamique de la neige, j’essaie d’éviter les porte-à faux entre la communication des remontées mécaniques qui m’emploient, la réalité du terrain et l’interprétation, inévitablement personnelle à chacun, de mes publications. Je ne suis ni nivologue ni licencié en lettres, mais j’assume mes mots comme mes erreurs. Mes articles sont pour moi une mise à plat d’un problème complexe, une mémoire des hivers que je vis, et un héritage pour ceux qui devront gérer les dangers d’avalanches dans le vallon. J’ai failli renoncer, c’est si facile. Je me permettrai un brin de philosophie dans le prochain article. Je publie d’un coup ce jour toutes les données de l’hiver passé. Et serai bien présent à cette adresse, si la Vie le permet, l’hiver 2018.
Mai 2017 – Les entraînements à Sorebois débutèrent le 4 novembre déjà, il suffit de quelques mètres de largeur et d’une épaisseur de neige suffisante pour planter les piquets de slalom, et les premières équipes affluent. Dès le 6, la neige est tombée régulièrement; avec déjà 118cm de cumul fin novembre, nous espérions une saison exceptionnelle. Mais comme les trois hivers précédents, la neige bouda décembre, la couche de novembre cristallisa fortement, déstabilisant le substrat pour le reste de la saison. Ce scénario étrangement redondant avec des vacances de fin d’année sans neige compromet l’existence des stations de moyenne altitude et celles qui ne se sont pas équipées d’enneigement mécanique. Même pour les canons, il faut du froid et nous battons régulièrement des records de chaleur. Je ne me remets pas du “mois de janvier le plus froid depuis 30 ans” proclamé par MétéoSuisse, au-dessus du stratus nous avons peu souffert du froid, je pense que cette moyenne est fortement influencée par les stations météo de plaine. Malgré ces doutes, le terrain découvert tout décembre et les frimas de janvier ont gelé la terre, ce qui n’est jamais arrivé depuis que je décris les hivers soit dix ans. Difficile de tirer des conclusions, si l’affirmation “le terrain n’est pas gelé” ressemble à “c’est la pleine lune” dans le ton des experts qui tendent leur indexe vers les cieux, le résultat est comparable. Statistiquement aucune différence, et pratiquement les mêmes difficultés à gérer le danger. Terrain gelé ou pas, la neige se transforme en profondeur, on observe juste moins de reptations des pentes exposées au soleil et presque pas de gueules de baleines. Mais c’est bien le manque de neige qui rendit cette saison facile.
L’album public en ligne Hiver 2017 partage mes images de l’hiver dans l’ordre chronologique, comme de tradition j’en mets une en exergue dans les conclusions. J’ai choisi cette saison l’hallucinant spectacle que donnait le soleil au matin du 13 avril. Des cirrus faisaient prisme en haute altitude, offrant une traîne arc-en-ciel au soleil. Evidemment, la photo ne donne qu’un aperçu de l’instant. Je suis heureux d’être resté à Sorebois pour admirer la Super Lune du 14 novembre, là encore l’appareil ne montre qu’un échantillon de la beauté du moment.
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Jeux de lumières sur les Diablons le 13 avril à 9h |
Comme les années précédentes, la neige fortement cristallisée de novembre influença tout le travail du reste de l’hiver. Des 411cm de cumul mesurés du 1er novembre au 30 avril, 265cm seulement participèrent à la préparation des pistes naturelles. Les 118cm de novembre avaient disparu fin décembre ou était si cristallisés qu’on ne pouvait les travailler, et 28cm sont tombés après la fermeture des pistes. Mes mesures décrivent les hivers plus que l’état des pistes, et les dates comme les lieux et méthodes de ces mesures doivent être maintenus pour permettre une comparaison effective.
J’aurai 44 ans cet automne, je m’assagis… ou je deviens craintif? Si j’ai peu de compassion pour ceux qui bravent les filets et risquent leur vie pour un instant de frisson, je m’émeus de constater les risques que nous prenons parfois pour offrir de belles glissades sécurisées à notre clientèle. L’épisode du 11 mars où, à cours de munitions et dans l’impossibilité de miner à mi-pente, j’étais réduit à surveiller les pentes en amont de mes collègues machinistes, me laisse perplexe. Heureusement, ce n’est pas à moi de décider jusqu’où risquer du matériel voire des hommes pour ouvrir un secteur. De cet épisode je conclus que les métiers de patrouilleurs et de machinistes doivent être valorisés, alors que la stratégie actuelle vise à économiser sur l’humain pour privilégier l’infrastructure. Tout tend d’ailleurs à satisfaire le client par du matériel clinquant, et à empêcher le local, ce sauvage, de se mêler aux hôtes. Ou alors dans des exercices imposés, comme des distributions générales de vin chaud sur les pistes à des clients casqués, qui évitent toute spontanéité aux rapports humains.
On trouve l’aspect nivologique de la saison au fil des articles du blog, et pour résumer le côté technique, consultez les feuilles de calcul des mesures prises au matin dans le vallon de Zinal au bout des liens suivants : novembre 2016 , décembre 2016 , janvier 2017 , février 2017 , mars 2017 , avril 2017